J’ai compris à présent. Quand il disait « je fais semblant ». Toute sa vie, tout son être, ses sentiments.
Je n’en avais pas saisi l’ampleur. Absence de soi, absence d’altérité, absence d’amour.
Et cela m’a pétrie d’effroi. Je ne pensais pas que c’était possible. C’était vertigineux, abyssal. J’ai mis longtemps à accepter. J’ai aimé un personnage qui n’a jamais existé.
Le malaise et le trouble, le doute profond, la confusion des sentiments : j’aimais encore cet être que je pensais avoir connu. Celui qu’il pourrait redevenir. Et j’avais peur. Une forme de dégoût de celui qui était devant moi, le vrai, dont je percevais inconsciemment les limites de la folie et la duplicité. Ses doigts courts, épais, serraient le couvercle, je n’avais pas la force pour ouvrir le bocal.
Je ne suis pas croyante. Mais je n’ai pas perdu ma capacité à m’émouvoir devant la beauté et l’amour, à en pleurer de joie.
Abbaye de Pradines, août 2024